Un journalisme sacrifié ?

Alexis Chailloux a soutenu en octobre 2012 un mémoire intitulé Data-Hari : le journalisme sacrifié sur l’autel des données.

Ce travail est structuré autour de la problématique suivante : « comment les promesses du data-journalisme s’articulent avec les repères et imaginaires du journalisme professionnel ?». L’enjeu est d’importance : la destinée du datajournalisme dépend grandement de sa capacité à intégrer (ou à bousculer) dans les représentations existantes du journalisme.

Afin de saisir au mieux cette articulation symbolique, Alexis Chailloux met en œuvre trois méthodologies croisées : l’analyse de discours, la sémiologie graphique et linguistique des contenus produits et des entretiens semi-directifs de datajournalistes, ou de journalistes qui se positionnent (en bien, en mal…) par rapport à cette pratique émergente.

Au terme de son étude, Chailloux en vient à relativiser la proximité, souvent revendiquée du datajournalisme et du journalisme d’investigation :

Le projet politique du data-journalisme propose en effet un idéal de « journalisme de réseau » où la collaboration prend le pas sur le « cloisonnement des rédactions. Le journaliste devient chef de projet, une figure parmi d’autres de la production de l’information, dont l’autorité est contestée par des internautes experts. Finalement, si le journalisme n’est pas « sacrifié sur l’autel de la donnée », il est fragilisé par ce projet politique. Ce dernier se rapproche plus des imaginaires d’internet — transparence, libre circulation de l’information, horizontalité — que des imaginaires du journalisme professionnel.

Ce qui l’emporterait au sein de la constellation sémantique du data-journalisme, ce ne serait ni la « data » (que les datajournalistes confirmés ne prennent jamais pour argent comptant), ni le journalisme, mais un tiers terme : la culture « libriste » issue des premiers grands projets collaboratifs de l’informatique. Le data-journaliste lorgnerait bien davantage vers les communautés hackers décrites par Fred Turner que vers les mythes traditionnels de la presse écrite.

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