« Journalisme de données » : la formule, apparue il y a près de cinq ans dans le contexte des médias nord-américains (où l’on parle de datajournalism), désigne un ensemble de pratiques journalistiques aux contours flous, entre informatique, design et journalisme. Toutes ces pratiques visent à faire parler les « données », nouvelle matière première informationnelle, qu’il s’agit de faire fructifier à travers des processus de traitements informatiques, sémiotiques et économiques.
Le groupe Jourdain – Journalisme, data, information ou « Comment on fait du journalisme de données sans le savoir » – a souhaité interroger ces affirmations à la fois identitaires, professionnelles et procédurales. Au cours de l’année 2012-2013, un séminaire de recherche a été organisé pour analyser la circulation de l’expression dans le monde des médias, des formations au journalisme ; il a également réuni des professionnels des médias et des chercheurs venus de l’économie, de la sémiologie et de l’informatique pour éclairer le lien renouvelé entre les métiers du journalisme et la notion de « données ».
Dans quelle mesure les données ne sont-elles pas d’ores et déjà inhérentes aux gestes journalistiques traditionnels de collecte, recoupement, vérification, construction, interprétation et mise en forme d’informations ? Les « données » ne seraient-elles pas davantage sanctifiées dans les discours sur le journalisme de données, par l’attribution d’un qualificatif spécifique, les plaçant au dessus du parcours et du processus de transformations qu’elles subissent ?
Organisée le 11 octobre à Paris, la journée d’études du projet Jourdain vise à mettre en lumière les apports des différentes interventions et travaux réalisés autour de ce programme de recherche Jourdain.
- Le premier apport de cette réflexion consiste à mettre en lumière la filiation existant entre journalisme de données et journalisme d’investigation – le second conquérant, grâce au premier, l’appui très légitimant des techniques et outils venus de l’informatique. Mais comment penser la collaboration entre journalisme et informatique ?
- La deuxième piste concerne la dimension visuelle, et donc esthétique du datajournalisme : qui dit données dit visualisation, et celle-ci obéit à des règles précises de formalisation, que l’analyse sémiologique sait catégoriser : « cartes », schémas, graphiques empruntent ainsi à une panoplie ancienne de genres et de formats éditoriaux, qui trouvent ainsi une nouvelle jeunesse, et une nouvelle pertinence sociale.
- Enfin, une troisième direction de recherche concerne l’enjeu démocratique entourant les promesses contemporaines de « libération des données ». Comment le journalisme doit-il se positionner face à cette nouvelle injonction à la transparence, qui pèse sur les états, et induit l’apparition de nouveaux acteurs dans le domaine de la valorisation des données ?
La journée d’études reviendra sur ces différents points, en invitant chercheurs et professionnels à faire le point sur la pratique ainsi mise en exergue. Le programme Jourdain s’achèvera sur la mise en lumière de la place du journalisme de données dans le système médiatique contemporain, afin d’en cerner les figures et les usages pour l’avenir.